Le corps de souffrance
Eckhart Tolle décrit avec précision le mécanisme qui entretient et perpétue la souffrance psychique chez un individu. Il parle du corps de souffrance (CS). Le CS est généralement une émotion dite "négative" (tristesse, peur, colère...) qui émerge dans le corps. Le CS peut être latent et apparaître seulement dans une situation bien précise ou, comme c'est le cas lors d'une souffrance profonde telle que la dépression, être présent pratiquement tout le temps. Le CS possède sa propre autonomie. Il faut le voir comme une identité à part entière.
La mécanique est très simple. Lorsque le corps de souffrance apparaît sous une certaine forme, comme la tristesse par exemple, celui-ci va produire des pensées alignées avec sa propre fréquence vibratoire. Lorsque le CS vibre de la tristesse, nous avons donc des pensées tristes qui émergent et auxquelles nous croyons. Ces pensées crues vont à leur tour redonner de l'énergie au corps de souffrance et l'entretenir. Si il n'y a aucun recule sur ce qui se vit, nous sommes complètement identifiés à l'émotion qui jaillit en nous. Nous sommes collés à l'histoire que cela raconte.
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Pour se libérer, la clé est de rompre le lien d'identification entre les pensées et le CS. Comment faire ? Il s'agit plus d'être que de faire. Il s'agit de laisser l'émotion complètement se vivre en nous en ne suivant plus les pensées que le CS produit. Cela demande une certaine vigilance et oblige à revenir constamment au fameux ici et maintenant. À cette conscience qui observe et ressent le CS. Il faut considérer le CS comme une énergie de vie bloquée dans le corps. Imaginez un fluide, tel de l'eau, qui traverse tout votre corps en permanence. Parfois, ce fluide ne circule plus bien et se solidifie, tel un glaçon. Cela bloque la circulation énergétique dans le corps et crée une tension. Plus la lumière de la conscience brillera sur le CS, et plus celui-ci fondra progressivement. L'énergie pourra recirculer.
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Sur le papier, cela semble facile de se libérer du CS. Toutefois, celui-ci ayant sa propre autonomie et souhaitant survivre, il fera tout pour essayer de vous illusionner de nouveau. Plus vous faites ce travail de conscience et que vous coupez le lien d'identification entre les pensées et celui-ci, plus vous vous rapprochez de la libération. Dans certains cas particuliers, il gagnera. Le CS fera tellement partie de la structure égotique qu'une personne ne voudra pas s'en défaire par crainte de ne plus savoir qui elle est sans celui-ci. Cela fait partie de son identité et de la façon dont elle reçoit de l'amour et la validation du monde extérieur. Il y a dans ces cas précis un attachement inconscient à sa propre souffrance.
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La nature de l'égo est de rechercher des sources de plaisir et de fuir ce qui le fait souffrir. Les sages de l'Inde appellent cela Râga-Dvesha, les paires d'opposés "j'aime, je n'aime pas". Ce mécanisme nous a permis de survivre durant toutes ces années d'évolution. C'est un mécanisme de survie qui a eu sa place mais aujourd'hui, il devient limitant. Nous entrons dans une nouvelle ère de l'humanité. Une humanité consciente. Une nouvelle étape dans l'évolution de l'Homme.
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Le sage qui a transcendé la souffrance humaine pourra toujours ressentir de la tristesse face à un événement douloureux à un moment donné. Mais cela ne vient pas d'un CS actif en lui. Il n'y a pas de pensées associées à cette tristesse car cela ne touche pas à son identité. Le sage est établi dans le Soi. Prenons l'exemple d'un proche que l'on a aimé et qui nous quitte. Cela génère une certaine forme de tristesse. Le sage vivra pleinement l'émotion. Il pourra même se mettre à pleurer mais cela ne laissera pas de trace. Le sage vit tout le temps maintenant. Il n'est plus dans des projections qui enferment dans un passé que l'on regrette ou dans un futur que l'on anticipe.
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Le chemin d'éveil à Soi n'est pas de se couper de la vie, bien au contraire. L'invitation est plutôt de rencontrer pleinement ce vivant en nous. De tout ressentir.
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Schéma du fonctionnement du corps de souffrance
Le corps de souffrance traumatique
Dans mon expérience, je fais une distinction entre le corps de souffrance lié à des conditionnements appris et le corps de souffrance lié à un traumatisme.
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Il existe deux grandes catégories de traumatisme. La première concerne les traumatismes simples (un événement isolé dans le temps et l'espace). Exemple : une agression à l'arme blanche. Dans ce cas précis l'EMDR donne d'excellents résultats. L'autre catégorie concerne les traumatismes complexes (Abus ou violences répétés dans le temps et l'espace). Pour cette dernière catégorie, les chercheurs se sont rendus compte que l'EMDR donnait des résultats moins probants qu'avec les traumatismes simples. La solution n'est pas que dans le cerveau, elle passe une fois de plus ici par le corps.
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En effet, lors d'un traumatisme complexe, la personne a dû faire face à des situations où elle s'est senti en danger de mort. Elle ne s'est pas sentie en sécurité de façon répétée et n'a pas pu ou su poser une limite par peur des représailles. Ne pouvant pas mettre en place les mécanismes innés de survie comme le combat ou la fuite, son corps est rentré dans un état de figement (inhibition du mouvement) et de dissociation (on ne ressent plus rien). Ainsi, pour pouvoir survivre au quotidien, elle s'est coupée d'une partie d'elle-même en réprimant des émotions fortes telles que la colère et en gardant en elle des énergies de combat ou de fuite.
Le système nerveux autonome fonctionne généralement avec deux branches : le système nerveux sympathique (l'action, le mouvement) et le système nerveux parasympathique ventrale (le repos, la détente). Chez un individu qui vit en harmonie avec lui-même, ces deux systèmes s'équilibrent au rythme de la journée. Cependant, chez une personne souffrant d'un traumatisme complexe, le système nerveux autonome (SNA) est complètement dérégulé. Depuis le trauma, son SNA a activé la voie dorsale du système nerveux parasympathique. Et aujourd'hui encore, alors que les événements traumatiques appartiennent au passé, pour son système nerveux, c'est encore du présent. L'organisme utilise cette branche dorsale pour garder le corps dans un état d'alerte et de vigilance permanente. Le corps a compris que le danger peut arriver à n'importe quel moment, il reste donc sur le qui-vive. Cela génère un stress et une dépense d'énergie énorme pour le corps. Certaines croyances limitantes sont enregistrées dans l'inconscient du type "le monde m'agresse" ou encore "on va me faire du mal". Le moindre bruit, une parole ou un geste peut être vécu comme une agression.
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Le corps de souffrance traumatique (CST) est différent du CS classique. En plus d'un émotionnel qui n'a pas pu se vivre par le passé, une grande partie d'énergie est restée bloquée dans le corps physique et énergétique. De quelle énergie parlons-nous ? De l'énergie que le corps aurait dû mettre en place pour combattre ou fuir mais qu'il a réprimée pour rester en vie. Pour libérer un CST, en plus du travail classique d'accueil émotionnel, il faudra mettre en place des thérapies corporelles comme la méthode TRE initiée par le Dr David Bercail ("Trauma Release Exercices"), la kundalini activation ou la danse extatique. Ces thérapies ont une même chose en commun : faire bouger le corps. Lors des séances, celui-ci peut se mettre en mouvement de manière involontaire, à trembler ou à convulser, signe qu'une grande quantité d'énergie est en train de se libérer. Des émotions intenses peuvent être vécues physiquement dans tout le corps. Après une séance, on ressent généralement un apaisement très profond. Plusieurs séances sont souvent nécessaires mais il est possible de s'en libérer complètement. La vie est pure intelligence. Abandonnez-vous à cette Présence. Devenez UN avec le corps. Ecoutez-le, ressentez-le et laisse-le faire.
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David